Caileigh Filmer surmonte ses problèmes de santé mentale pour décrocher le bronze à Tokyo

Caileigh Filmer surmonte ses problèmes de santé mentale pour décrocher le bronze à Tokyo


« À 100 jours des Jeux olympiques de Tokyo, je traversais une période de dépression difficile et j’étais sur le point d’abandonner l’aviron de haute performance. »

Réalisant qu’elles venaient de remporter la médaille de bronze en franchissant la ligne d’arrivée à leur dernière course sur le parcours du Canal de la forêt de la Mer, Caileigh Filmer s’est penchée pour prendre Hillary Janssens dans ses bras.

Caileigh a pris le troisième rang de l’épreuve féminine du deux de pointe avec Hillary à Tokyo au terme d’un long parcours difficile pour se rendre aux Jeux.

Sur son fil Instagram, elle partage un compte rendu très personnel de la façon dont sa santé mentale s’est détériorée et raconte qu’à seulement 100 jours des Jeux de Tokyo, elle traversait une si mauvaise période qu’elle était prête à tout arrêter. Elle partageait des extraits du journal privé qu’elle a écrit pour essayer de sortir de ce recoin sombre.

 
 
 
 
 
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Caileigh a remporté les championnats du monde de 2018 avec sa partenaire Hillary Janssens et se préparait pour ses deuxièmes Jeux olympiques, où elle devait être parmi les favorites pour remporter une médaille. Mais elle écrit qu’elle était terrifiée à l’idée d’y aller. Dans ses pires moments, elle s’imaginait sur la ligne de départ des Jeux olympiques en train de prier qu’ils soient terminés. Elle avait peur d’être dans un pire état et plus déprimée que jamais à la fin des Jeux.

En entrevue avec Rowing Canada Aviron depuis sa chambre au Village olympique, juste avant le début des compétitions, Caileigh souriait en pensant qu’elle était rendue au Japon et comment elle se sent en bien meilleure santé ces jours-ci. Elle dit qu’il y a quelques mois, elle ne s’attendait pas à se retrouver là où elle est.

« J’étais triste d’être triste. J’étais vraiment contrariée de ne pas être emballée (d’aller aux Jeux olympiques). »

Elle trouvait frustrant qu’en dépit du fait qu’elle était habituée à s’entraîner pendant 30 heures chaque semaine, elle avait tellement mal à l’intérieur qu’elle sentait qu’elle n’avait pas la force de prendre part à une course de sept minutes à Tokyo.

Elle ajoute : « Je ne voulais pas me retrouver sous les feux de la rampe. Vous êtes à la télévision et tout le monde vous regarde. Pour moi, la pensée la plus terrifiante était d’être sur la ligne de départ et de me dire, je ne veux pas être ici. »

Dans sa publication sur Instagram, elle écrit à propos du soutien exceptionnel de tous les gens qui l’entourent, y compris son entraîneur et ses coéquipiers qui voulaient qu’elle fasse passer sa santé en premier. Elle était prête à tout laisser tomber jusqu’à ce que Karl Hale, un de ses amis en dehors de l’aviron qui n’avait rien à gagner, lui dise qu’elle ne devrait pas abandonner et lui donne une raison de continuer.

Elle explique le moment décisif plus en détail à Rowing Canada Aviron. « Ce qui a vraiment sauvé mon rêve olympique, c’est que Karl m’a rappelé le pouvoir que j’avais. Il m’a dit que comme j’étais une personne qui a été si ouverte à propos de sa santé mentale, pourquoi ne pas utiliser ma santé mentale et mon pouvoir d’inspiration pour essayer d’inspirer les autres en surmontant cette épreuve et ma dépression. »

« J’ai pleuré pendant qu’il le disait parce que je ne voulais pas l’entendre. Mais quand j’ai compris ce qu’il disait, c’était la première fois que je voyais de la lumière dans ce qui me semblait un orage sombre. »

Elle écrit dans son journal à quel point les paroles de Karl ont eu une incidence sur elle et lui ont permis de reprendre le dessus. Elle a fait une pause pendant quelques semaines et a finalement trouvé le soutien dont elle avait besoin.

Ce n’était malheureusement pas la première fois que Caileigh était aux prises avec des problèmes de santé mentale. À l’université, elle avait combattu l’anxiété. Mais les choses ont vraiment dégénéré après sa victoire aux championnats du monde en 2018.

À cette époque, il était difficile pour les gens de savoir qu’elle n’allait pas bien. Tout le monde pensait qu’elle était au sommet du monde. Elle n’avait pas l’habitude de se confier quand elle connaissait une mauvaise journée. Elle aimait prendre soin des autres, mais ne voyait pas qu’elle ne prenait pas soin d’elle-même.

« Je suis généralement une personne assez heureuse au sein de notre équipe et plutôt enthousiaste. Je n’avais pas réalisé à quel point j’utilisais cela pour cacher ce que je ressentais. »

Après un certain temps, il est devenu trop difficile pour elle de le cacher.

La pression d’essayer de défendre son titre de championne du monde a laissé des traces. Elle s’est mise à critiquer tout ce qu’elle faisait. Elle a lutté contre les maladies et les blessures. Sa mère souffrait d’un cancer à l’époque. Tout est devenu assez toxique.

« Je ne pouvais pas arrêter de pleurer. Je ne pouvais pas sortir du lit le matin. J’aimais passer du temps avec mes amis et mes coéquipiers, mais rien n’aidait. Habituellement, l’aviron était mon échappatoire. Une fois arrivée au hangar à bateaux, j’étais de bonne humeur. Mais ce n’était plus une échappatoire. Chaque coup de rame était maintenant difficile. Quelque chose n’allait vraiment pas. »

Elle est allée voir ses entraîneurs et leur a dit qu’elle n’allait pas bien. Puis, elle a vu les médecins de l’équipe, Mike Wilkinson et Cara Ewert. Cette dernière a diagnostiqué chez elle une dépression clinique.

« Je n’étais pas au courant de ma dépression qui perdurait, et quand cela m’a complètement sortie de l’embarcation, il n’y avait plus d’avenir en vue. »

Suite au diagnostic, Caileigh a demandé à ses entraîneurs de ne rien cacher à l’équipe. Ils l’ont utilisé comme exemple, disant aux rameurs que tous les athlètes rencontrent des obstacles au cours de leur carrière, qu’il s’agisse de santé mentale ou de blessures physiques, et qu’ils doivent savoir qu’un soutien est disponible pour eux.

Caileigh dit qu’il ne s’agissait plus de faire du sport, mais simplement de faire les petites choses au quotidien. Elle dit que sa sœur jumelle et ses parents ont été là pour elle à chaque étape du processus.

« Un jour, ma famille a littéralement éclaté en sanglots parce qu’ils m’ont entendu rire pour la première fois depuis longtemps. Ils ont dit : ‘La Caileigh que nous connaissions est de retour’. »

Elle est restée loin de l’eau pendant trois mois pendant sa récupération. En juillet 2019, elle a enfin pu reprendre place dans l’embarcation avec sa compagne Hillary. Elles n’avaient que six semaines pour se préparer aux championnats du monde. Étonnamment, elles ont remporté une médaille de bronze et ont aidé le huit féminin à se qualifier pour les Jeux olympiques de Tokyo grâce à une quatrième place.

Caileigh a tiré de précieuses leçons de cette expérience. Il va y avoir des hauts et des bas, vous n’êtes pas faible parce que vous demandez de l’aide, et quand les choses vont vraiment mal, vous devez prendre du recul.

« J’ai fait en sorte que je sois à l’aise de dire : ‘Hé, vous savez quoi, je ne vais vraiment pas bien!’. J’ai pris deux semaines ici et là pour gérer ma dépression. J’ai dit : ‘Vous savez, ma santé mentale n’est pas assez bonne pour que je sois au hangar à bateaux’. C’est la même chose que si vous souffrez d’une blessure aux côtes et que vous êtes absent pendant quelques semaines. »

Elle dit qu’elle a de la chance d’avoir une excellente équipe de soutien autour d’elle. Sachant que Tokyo pourrait générer une pression supplémentaire et alimenter sa dépression, son conseiller, Ryan Leiderman, lui a conseillé de tenir un journal et de trouver de la gratitude dans sa journée. Elle a écrit les dix choses pour lesquelles elle est la plus reconnaissante d’être venue à Tokyo, dont sa partenaire Hillary et sa famille.

D’autres moments de gratitude incluent ses journées au lac Elk à Victoria et le temps passé avec sa famille d’aviron, son apprentissage au sein de l’équipe de développement et les leçons apprises en tant que participante aux Jeux olympiques de Rio 2016 à l’âge de 19 ans.

« Grâce à ce journal de gratitude, si je commence à me sentir vraiment contrariée, triste ou déprimée et que je n’ai pas confiance en moi, je peux simplement prendre le journal et le lire. »

 
 
 
 
 
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(Gratitude n° 8, 9 jours avant Tokyo) « Je voulais dédier ce message à tous ceux qui ont eu des problèmes de santé mentale tout au long de leur parcours, peu importe leurs objectifs dans la vie. »

Caileigh dit que certaines personnes pourraient se demander pourquoi elle a décidé de partager quelque chose d’aussi privé sur Instagram. Elle dit qu’il est important de partager les bons et les mauvais moments.

« J’ai décidé que ce serait plutôt cool de partager ce journal que j’écris pour moi-même avec tous ceux qui me suivent. Je sais que certaines personnes pourraient penser que je ne parle que de moi-même, mais si une personne pense de cette façon, elle n’a probablement pas une très bonne compréhension de la santé mentale. »

Caileigh trouve les publications thérapeutiques.

« Aux Jeux olympiques, les gens veulent en savoir plus sur votre parcours. Pendant les Jeux, la seule chose qui compte à leurs yeux est votre course et si vous avez gagné une médaille ou non. Et donc, en ce moment, j’ai un réel privilège. Je suis dans cette position où les gens me regardent. Quelle belle occasion de partager ce journal et que cela fasse une différence. »

Jusqu’à présent, la réponse est impressionnante. Plusieurs personnes lui ont dit qu’elle était courageuse et que ses messages les aidaient.

« Des gens d’autres pays que je connais sont venus me dire qu’ils ont vraiment aimé lire le journal de gratitude. Quand je luttais contre la dépression 100 jours avant les Jeux, ce qui a tout changé fut la chance d’être une inspiration en surmontant cette dépression. Le fait d’entendre à quel point les gens ont été inspirés par mon parcours, cela m’aide vraiment. »

Dans les mois précédant Tokyo, la partenaire de Caileigh, Hillary, l’a aidée en prenant régulièrement de ses nouvelles et en lui posant des questions importantes comme ‘Comment vas-tu aujourd’hui?’ »

« J’ai la chance d’être dans de bonnes dispositions en ce moment au niveau mental. Je me sens en bonne santé. Je me sens privilégiée de concourir aux côtés d’Hillary. »

Elles ont réalisé leur objectif de remporter une médaille olympique. Cependant, les répercussions à long terme qu’elle espère récolter des Jeux à Tokyo vont bien au-delà de ce qu’elle peut porter autour du cou de temps à autre. Plus que tout, elle aimerait que son vécu lance d’autres conversations à propos de la santé mentale.

 
 
 
 
 
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Compte à rebours jusqu’à Tokyo = 0, Dodos jusqu’à notre première course = 1

« Je veux partager toute ma gratitude pour tout le soutien que j’ai reçu de tous ceux qui ont suivi mon journal. Les réponses que j’ai reçues ont été incroyables. Je me sens tellement chanceuse d’avoir eu la chance et la capacité de partager certaines de mes histoires et d’avoir pu aider les autres, et aussi d’avoir eu la chance d’entendre les expériences d’autres personnes et d’apprendre de celles-ci. »


Pour plus de renseignements sur la régate des Jeux de Tokyo 2020 et les 10 embarcations canadiennes, veuillez cliquer ici.

Par Teddy Katz

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